Recruter peut s’avérer compliqué, mais pas difficile.
Quelle différence me direz-vous ?
Ce n’est pas une question d’obstacles, c’est une question de méthodes et d’état d’esprit.
Mieux recruter, ce n’est pas nécessairement mettre plus d’efforts personnels : ce n’est pas en vous infligeant 5 coups de fouets et en vous énervant derrière votre ordinateur que les profils vont vous répondre plus facilement.
Mieux recruter, c’est recruter avec de la technique et de la tactique.
Commençons pas une confession : ce billet est écrit en partie en réaction à tous les articles qui crient haut et fort que le recrutement est « très difficile », comme pour effrayer DRH & Responsables Recrutement et les encourager à faire appel à des solutions externes qui vont leur sauver la vie.
Je ne suis pas là pour discuter la valeur des solutions, je fais moi-même du conseil auprès de ces acteurs.
Ce qui m’ennuie, c’est cette habitude de vouloir jouer les chats noirs en laissant entendre que le recrutement est quelque chose de difficile, et sous-entendu
« qu’on devrait du coup confier à des prestataires à tous les coups ».
Ce sentiment est d’autant plus fort que les DRH et recruteurs en difficulté de recrutement ont tendance à ne pas prendre un plaisir énorme à déployer des efforts colossaux pour récolter des résultats qui ne les satisfont pas assez.
La plupart d’entre eux n’ont pas besoin qu’on leur dise que le recrutement est difficile pour qu’ils aient besoin d’aide dans leur pratique.
Je retrouve quasi-systématiquement dans les budgets recrutement et les outils de mes clients des engagements financiers et du temps passé sur des outils inadaptés à leur situation, ou qui ne répondent pas à leur besoin.
J’insiste, ce billet ne cible pas le business des prestataires ou cabinets de recrutement, mais le message envoyé.
On entend trop souvent que le recrutement, c’est simple mais difficile. Alors qu’en réalité, c’est facile mais c’est compliqué.
Recruter, ce n’est pas difficile, c’est à la portée de n’importe qui. Mais pas n’importe comment.
Différence entre Difficulté et Complexité
La difficulté et la complexité sont de nature différente. Est difficile ce qui demande un effort, qui n’est pas facile. Est compliqué ce qui met en cause de nombreux éléments, n’est pas simple. La facilité et la simplicité ne sont pas du même ordre. L’ascension de la tour Eiffel, par l’escalier, est difficile. Pourtant elle est très simple, il suffit de monter les 1665 marches, une à une. Beaucoup d’effort mais un seul mouvement à accomplir, un grand nombre de fois. Le fonctionnement d’une machine, un moteur de voiture, par exemple, est compliqué, voire pour ceux dotés d’électronique, d’une grande complexité. Pourtant le démarrer, le faire tourner, est très simple. Il suffit de tourner la clef de contact, parfois même d’appuyer sur un bouton ou d’introduire une simple carte. (Marc Albert Chaigneau)
En France, on recrute mal, et on n’aime pas ça.
Corollaire : Si on se met à recruter mieux, on y prend plus de plaisir.
On nous apprend à recruter avec des habitudes souvent mauvaises, souvent basées sur l’intuition ou sur des paradigmes qui étaient vrais il y a 20 ans mais qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui.
La faute n’est à mettre sur le dos de personne. Ceux qui transmettent ces méthodes les ont souvent reçues telles quelles, si tant est qu’ils aient eu la chance de recevoir quelque chose.
La plupart des recruteurs ont dû apprendre « sur le tas », c’est à dire en faisant. Et donc nous faisons ce qui fonctionne, quitte à faire de la casse au passage (qu’importe l’expérience candidat si on arrive à fournir cette shortlist de 3 personnes au manager ?).
Et puis un jour le marché se tend.
Vous enchainez les vents et les râteaux, face à des candidats qui ne répondent plus. Vos candidats sont plus susceptibles de décliner vos lettres d’embauche, alors qu’avant ils rêvaient de travailler chez vous.
Certains l’appellent « la guerre des talents », la vérité, c’est juste que les candidats ont mûri et ont accès à davantage d’informations. Ils ont davantage de choix et adoptent donc pour beaucoup une attitude consumériste.
Comment peut-on le leur reprocher ? Pendant des décennies, ils ont été traités comme des produits jetables, moins que des humains. Imaginez-vous le nombre de personnes qui se sont déplacées en entretien et à qui l’on n’a pas donné de réponse ? Sans parler des millions de candidatures à qui l’on n’a jamais répondu, des candidats à qui on a dit « on vous rappellera » pour ensuite laisser leurs coordonnées pourrir au fond de la base de données ?
Non ce n’est pas la guerre des talents : c’est le prix d’années de pratiques favorisant le temps et l’effort du recruteur contre le temps et le respect du candidat en tant que personne. Et on le paye tous, collectivement, en tant qu’acteurs du recrutement.
Alors non, ce n’est pas grave d’avoir des pratiques dont on n’est pas satisfait. Les formations sérieuses au recrutement ne courent pas les rues, et il n’est pas de la responsabilité de chacun de tout savoir.
Il faut juste comprendre que ce n’est pas parce que le marché est difficile que l’on a des pratiques que l’on n’aime pas. C’est le contraire, et attention car c’est très contre-intuitif : c’est parce que l’on a des pratiques que l’on n’aime pas que le marché parait difficile.
Prenons un exemple, avec un aspect du recrutement qui est très à la mode (parce que très important) : le sourcing
Je travaille souvent avec mes clients sur la notion d’engagement. L’engagement, c’est la phase qui vient après l’identification. Vous avez trouvé des personnes qui vous intéressent pour un poste, et vous souhaitez les contacter et vous assurer qu’elles vous répondent.
Personne ne peut dire qu’il prend du plaisir à envoyer 80 messages par jour et à ne recevoir qu’une poignée de réponses.
En revanche, le fait de créer de la conversation avec le candidat plutôt que d’avoir une approche transactionnelle (AKA « je te donne quelque chose si tu me donnes quelque chose ») apporte énormément plus de plaisir.
Pourquoi ? Parce qu’il est plus appréciable de converser avec quelqu’un que de lui écrire un message digne d’un formulaire d’inscription à un service préfectoral.
Parce qu’on apporte davantage de bienveillance dans la relation, et que le candidat que l’on approche le ressent. Et qu’il est donc plus enclin à vous répondre.
Quel est le plus difficile ici : converser avec quelqu’un ou envoyer 80 messages qu’on n’aurait pas envie de recevoir soi-même ?
Alors ce qui est dur en vérité ici, c’est d’accepter de faire simple : nous sommes tellement formatés à une logique de volume, volume de CVs, volume d’appels, volume de candidats sélectionnés…, qu’il faut opérer un changement fort de nos habitudes.
Autre exemple, celui de l’évaluation en entretien.
Saviez-vous qu’il est plus facile d’avoir un échange cordial, efficace, utile et maîtrisé dans le temps, lorsque vous lancez une conversation d’égal à égal avec le candidat, à l’appui d’une solide grille d’évaluation ?
Plus facile en tout cas que de tenter d’obtenir les informations nécessaires à l’évaluation qu’en démarrant un rendez-vous par « parlez-moi de vous » ou « racontez-nous votre parcours », et d’espérer attraper des informations au vol que l’on pourra interpréter comme bon nous semble, avec tous les biais cognitifs inhérents à la situation.
Alors oui, débarquer dans la salle d’entretien sans préparation, c’est plus simple. Mais dans votre objectif d’évaluation, réussir à obtenir les informations nécessaires en ayant la meilleure expérience candidat possible, et sans dépasser un entretien d’une durée « standard » sera très difficile.
Il n’y a pas de plaisir intellectuel dans la difficulté.
Sisyphe n’a jamais pris de plaisir à pousser son rocher encore et encore. En revanche, il peut y avoir du plaisir intellectuel dans la complexité : il y a des questions auxquelles on doit apporter des réponses pour avancer.
On peut en tant que recruteur, prendre beaucoup de plaisir à trouver des solutions à des situations complexes.
Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut pas faire d’efforts ?
Bien entendu que non. Il faut juste les mettre aux bons endroits.
Le recruteur ne doit pas être vu comme un commercial en porte-à-porte qui va maximiser le nombre de visites pour augmenter ses ventes, à taux égal.
Le recruteur est un tacticien, qui va utiliser les bons moyens et les bonnes méthodes pour arriver à un résultat donné.
Alors non, recruter n’est pas difficile.
Recruter est facile, mais compliqué. Compliqué, car l’on travaille avec l’humain, et l’humain est complexe, plein de variables qu’on ne peut pas contrôler (et c’est tant mieux).
Compliqué, car l’on dépend d’un marché, qui peut nous être plus ou moins favorable.
Compliqué, car cela demande des méthodes et des techniques qui ne s’acquièrent pas de manière innée, mais qui demandent des sources et de l’accompagnement.
Compliqué, car bien recruter signifie souvent aller à l’encontre de beaucoup de choses que l’on nous a enseigné.
Mais en aucun cas difficile : tout le monde peut devenir un très bon recruteur.
Si un recrutement vous parait difficile, alors il existe sans doute un moyen de l’aborder différemment.
Tout le monde peut devenir un très bon recruteur.
Et cela vous demandera moins d’efforts que ceux que vous déployez actuellement pour courir après vos candidats 😉
Et vous, préféreriez-vous que votre job soit simple ou bien qu’il soit facile ?
Envie de creuser le sujet, et de voir comment simplifier votre recrutement ? Contactez-moi.
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