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L’impact du Digital sur le Recrutement

A l’occasion du Salon Digital Change de Nantes, j’ai été invité à donner ma vision de l’impact du digital sur le recrutement, au sein d’une table ronde composée également de Philippe Delwarde, Président de Quartenaire, Michelle Laidet, DRH de Sodebo, et animée par Anne Brochard, dirigeante de l’Etincelle RH.


Disclaimer : je ne suis pas un fan de l’utilisation du mot « digital », en revanche pour cet événement, je me suis plié à l’exercice. Quand vous lirez de moi le mot « digital », je vous inviterai donc à comprendre « outils, méthodes et cultures du numérique ».


Table ronde : Le Recrutement Impossible n’existe plus !

Pour retrouver l’intégralité des échanges et les informations passionnantes partagées par mes collègues , je vous invite à regarder la video ci-dessus.

Si vous préférez lire vous pouvez retrouver la transcription de mon témoignage écrite ci-dessous, développée pour les besoins de l’article.


Ce que le digital a apporté au recrutement


Le digital a eu un impact profond sur les métiers du recrutement.

Pour comprendre ce que le digital a apporté, prenons un instant pour regarder d’où l’on vient. Avant les années 2000, on publiait des offres d’emploi dans les journaux, on recevait des candidatures par courrier, et l’approche directe était réservée aux cabinets de chasse de tête. Cabinets qui chassaient à partir de scenarios pour re-descendre les organigrammes, ou bien à partir d’annuaires. Il y avait même ces fameux horaires décalés, avec des recruteurs qui travaillaient de 13h à 22h, pour pouvoir contacter les candidats sur leur ligne fixe quand ils rentraient chez eux le soir.


C’étaient des processus très longs et extrêmement coûteux.


Ces processus étaient par ailleurs très rigides, ce qui donnait au marché de l’emploi une forte viscosité.

Ensuite avec internet on a eu les jobboards et les CVthèques en ligne, qui ont créé une nouvelle catégorie de candidats : ceux qui sont en veille. Ils déposent leur CV, cochent deux-trois cases de critères, et hop ! Ils attendent qu’on les appelle.

Là, le marché de l’emploi s’est drastiquement fluidifié, et on a commencé à avoir une communication plus directe et plus simple entre recruteurs et candidats. Les téléphones mobiles sont arrivés en parallèle.

Et puis les réseaux sociaux sont apparus, et d’un seul coup on n’a plus vraiment eu besoin de re-descendre des organigrammes.


La data n’a plus de valeur


La donnée, l’information, qui avant avait une valeur énorme, est devenue accessible à tous. La data n’a aucune valeur.


Tous les candidats potentiels sont accessibles, donc le « carnet d’adresses du chasseur » est devenu obsolète.


Si vous avez un chasseur qui vous vend son réseau, il y a 95% de chances que ça ne vale rien.

L’enjeu aujourd’hui n’est plus d’accéder au candidat, mais bien de l’identifier dans un pool de personnes immense, et surtout l’engager.

Par engagement, on entend : « Comment je peux faire pour que cette personne, qui n’est pas en recherche, ou du moins qui ne s’est pas présentée en tant que candidat, me réponde à moi ? » Un développeur reçoit en moyenne 20 à 60 messages par semaine, rien que sur Linkedin. 


Donc le digital a fluidifié le recrutement, accéléré le recrutement, démocratisé le recrutement, mais a également augmenté la concurrence entre les entreprises et donné plus de pouvoir aux candidats.


1 heure pour faire un recrutement ?

Les technologies du digital sont très puissantes. J’ai une fois fait un recrutement en 1h, grâce à une notification push Linkedin, un entretien skype, un contrat signé par mail, et le smartphone de mon candidat. 1 heure. (et vous m’entendez souvent parler de cette anecdote, premièrement parce qu’elle est extrême, deuxièmement parce que 10 ans plus tard je n’en reviens toujours pas 😉 )


Le digital, c’est aussi et avant tout s’adapter aux canaux et usages de ses cibles. Et c’est souvent contre-intuitif au niveau business.


Par exemple, demandez-vous quel est le canal par lequel vos candidats communiquent le plus dans la vie de tous les jours...

Vous pensez que c’est Linkedin ? Vous pensez que c’est le mail ? Ce n’est même pas l’appel. C’est évidemment le SMS (voire Whatsapp).

Donc non le recrutement n’est pas impossible, il est plus facile mais il demande plus de technicité, plus de savoir-faire recrutement dans les pratiques.


L’impact du digital dans le long terme : attirer et donner envie.


Le digital a rapproché les gens, et il leur a donné la parole. Avant, si j’avais quelque chose à dire, à moins que je ne sois auteur, artiste ou journaliste, je ne pouvais le dire qu’à mon cercle de proches.


Aujourd’hui avec le digital, chaque parole peut trouver un écho quasiment infini dans une communauté donnée.

Ca veut dire quoi ? Ca veut que dire qu’en tant que candidat, si demain je passe un entretien qui ne me plait pas, je peux m’en plaindre immédiatement sur Twitter.

Ca veut dire que si je veux dire du mal de mon employeur, je peux le faire anonymement sur Glassdoor, un site qui est très bien référencé dans Google, et sur lequel tout le monde va tomber.


Mais ça veut dire aussi qu’en tant qu’employeur, je peux mettre en avant mes bonnes pratiques et compter sur mes salariés pour les partager.

Ca veut dire que si un de mes salariés veut prendre l’initiative de parler de moi, il peut le faire, et je n’aurai pas de contrôle sur cette parole.



Le digital a brisé les murs


Ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise se voit à l’extérieur de l’entreprise.


Alors quand on a compris ça, on a 2 postures.


La première, c’est de nier l’existence de ces outils et phénomènes, en se disant « ça ne m’intéresse pas ». Pendant un moment j’ai fait ça. A l’arrivée de Glassdoor en France, j’avais déjà suffisamment de travail pour ne pas m’occuper d’un portail qui ne m’appartient pas, où l’on s’attend à trouver tout un tas de reviews négatives, « parce que c’est connu : ce sont les gens qui se plaignent qui parlent le plus ».


Et puis on a une 2ème posture, que j’ai rapidement adoptée. C’est de comprendre que ces phénomènes existent non pas contre nous, mais malgré nous, voire sans nous. Alors plutôt que de s’en faire un ennemi, autant épouser ce phénomène et s’en faire un allié.

Que vous vous en occupiez ou pas, votre marque employeur vivra : non pas contre vous ou malgré vous, elle vivra simplement sans vous.

Et ça, ça veut dire qu’on va mettre en oeuvre des politiques et des stratégie de marque employeur où l’on va mettre en avant non plus la parole corporate de l’entreprise, mais la parole des collaborateurs.


Et ça marche. Parce qu’il n’y a rien de plus rassurant que d’entendre des choses de la bouche de quelqu’un qui est comme vous : « Je m’appelle Michel, je suis comptable, et là y a Justine, elle est comptable aussi, dans la boite XYZ, et ce qu’elle me dit me touche. »

Pour le dire autrement, le discours de vos collaborateurs a plus de chances d’inspirer la confiance que celui de votre entreprise.

Au passage, sachez que WorkMeTender accompagne les entreprises pour travailler sur les questions de promesse employeur, et la mise en avant de vos collaborateurs. (oui, c’était un message promotionnel, retournons à l’article)

Demandez-vous « Pourquoi ? »


L’une des clés, pour bien réussir une démarche de marque employeur, c’est d’être capable de dire « Pourquoi ? »


Pourquoi les gens viennent travailler chez vous ?

Quelle est la mission de l’entreprise ?

Pas son projet commercial, vraiment sa mission.


Prenez Uber. La mission d’Uber, c’est de « faire en sorte que le transport soit aussi fiable et accessible que l’eau courante ». La mission d’Uber, ce pourquoi les gens viennent travailler chez Uber, ça n’est pas « mettre en relation des gens avec des chauffeurs », ce n’est pas non plus « disrupter un marché ».

La mission, c’est rendre le transport fiable et disponible pour tout le monde, et quand vous dites ça à un candidat c’est beaucoup plus engageant.


Personne ne peut dire « ça ne m’intéresse pas », parce que c’est une mission qui unit et transcende.


Et si votre mission n’est ni connue, ni visible, votre marque employeur se construira sans la prendre en compte.


Les 2 autres clés, pour réussir sa démarche de marque employeur, c’est d’avoir pour piliers l’authenticité et la transparence.


Il faut que ça soit vrai, et il faut que ça soit dans l’échange, pas dans la communication unilatérale.

Avant quand vous faisiez de la communication RH, vous utilisiez un canal descendant et uni-directionnel, qui allait de vous vers votre cible.


Aujourd’hui vous avez une multiplicité de canaux, et tous sont bi voir multi-directionnels, ce qui veut dire que c’est l’opportunité pour chaque entreprise de créer un échange dynamique autour de son contenu de marque employeur.


L’influence de la culture digitale sur les RH et les recrutement.


Quand on pense digital et numérique, on pense tout de suite technologie.

Le recrutement s’est considérablement inspiré de la culture dite « tech » ces dernières années, et il n’a pas fini de le faire.


La pénurie de profils techniques (développeurs, ingénieurs, data scientists et j’en passe) a poussé les recruteurs à devoir innover.

La manière dont on travaillait, ça ne marchait pas.

Du moins, ça ne marchait plus.


Et les professionnels qui recrutent ce type de profils se sont retrouvés les premiers à se poser des questions, et à se dire « quelles solutions je peux trouver pour travailler mieux ? Comment je peux modifier ma pratique ? »


Et la proximité que ces recruteurs avaient avec des environnements ayant une culture très tech, très digitale, les ont poussés à aller s’inspirer des méthodes que l’on trouvait là-bas.

Alors à quoi pense-t-on ?


On pense à l’agilité par exemple.

Les méthodes agiles sont des méthodes d’organisation qui facilitent le travail en équipe, le partage d’information, accélèrent les process, et garantissent le niveau de qualité délivré à la fin du projet.

Toutes les équipes de recrutement que j’ai encadrées ces 5 dernières années ont été formées aux méthodes agiles.


Alors on ne prend pas tout dans l’outil, parce qu’on n’est pas en train de développer une application, on recrute des êtres humains. Mais ce n’est pas grave de ne pas suivre la méthode à la lettre, parce qu’être agile, c’est savoir s’adapter au contexte en fonction d’un but donné.


Concrètement, le but de l’agilité dans le recrutement c’est d’avoir une plus étroite collaboration entre le recruteur et le manager qui recrute, de réduire considérablement les durées des processus de recrutement, et d’être capable de pivoter, de s’adapter plus facilement à l’émergence de nouveaux besoins au sein de l’entreprise. Enfin, c’est également de prendre davantage de plaisir dans la manière dont on recrute.

Mais au-delà des méthodes, les outils du digital ont aussi changé nos façons de travailler. De plus en plus de recruteurs, confrontés à la pénurie de profils et au besoin d’innover, font énormément de veille sur leur métier.


On a vu émerger des communautés d’échanges de pratiques, des « meetups » qui sont directement copiés de ce que l’on retrouve dans la culture tech.


La présence toujours plus forte des métiers du digital, enfin, fait que ceux-ci sont en train d’avoir un impact considérable sur les méthodes de recrutement.

Par exemple l’UX, l’User Experience, est la discipline qui consiste à adopter une démarche de construction d’un produit centré sur l’utilisateur — pour ceux qui ne connaissent pas le l’UX, imaginez que vous avez un site eCommerce, et bien on va étudier votre comportement pour trouver le plus court chemin entre le moment où vous avez envie d’acheter un produit et le moment où vous cliquez sur « Acheter », alors on va identifier les points de contact, les points de friction, les attentes de l’utilisateur… pour améliorer cette expérience — Et l’UX a donné naissance à l’Expérience Candidat.



On se soucie de plus en plus de l’expérience vécue par nos candidats


Est-ce que le process a été pertinent à leurs yeux ? Ont-ils appris des choses ?

Et du coup, s’ils ont eu une bonne expérience candidat, ils vont peut-être vouloir en parler ? On repart sur l’idée de marque employeur.

La culture du digital est venue répondre à des questions qui se sont imposées aux recruteurs, et qui s’imposent désormais à l’ensemble du marché : comment je fais pour recruter mieux, quand tout le monde recrute les mêmes personnes que moi ?


Alors ce qu’il faut se dire déjà, c’est que ce type de méthode est accessible à tout le monde. Je travaille aussi bien avec des grands groupes, des PME et des startups, et la taille de l’entreprise n’a pas d’impact sur sa capacité à mieux recruter.

C’est la façon dont sont implémentées les méthodes qui va permettre le succès de l’agilisation des équipes recrutement.

L’attitude, le mindset et l’accompagnement feront beaucoup plus pour votre recrutement que les outils.


Pour ce qui est des outils : ce sont de fausses solutions. Les outils ont changé la manière dont on travaille, mais pas le fond du métier. Et le fond du métier, c’est toujours identifier, convaincre, évaluer et embaucher. Et pour ça il faut 2 choses : du savoir-faire et du temps. Recruter, c’est chronophage, et AUCUN outil ne le fera à votre place.

Alors si je suis patron ou DRH, la première chose à faire c’est de me dire : « Quelles est notre mission ? Pourquoi les gens travaillent pour moi ? Est-ce que c’est clair en interne ? »

Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas utiliser d’outils : tout artisan a besoin de bons outils. Mais l’outil n’est pas une solution miracle : il ne fera pas le job à votre place.

Parce que la marque employeur, ça doit déjà commencer par l’interne.


Si vous dites à vos candidats « chez nous c’est jaune » et qu’ils arrivent chez vous et que tout est violet, ça va créer un décalage.


La 2ème chose à faire quand vous voulez recruter pour votre entreprise, ça n’est pas de signer un outil, c’est de décider qui sera votre recruteur.


Il peut être interne, ou externe, peut-être avez-vous déjà une équipe. Et assurez-vous qu’ils soient déjà capables de sourcer des candidats avec les outils qu’ils ont.


Souvent je vois chez mes clients des piles d’outils qui s’accumulent, et du coup des lignes dans le budget recrutement aussi, avec des raisons qui tournent autour de :

  1. On avait des difficultés à recruter, alors on a pris un outil.

  2. Mais on n’aimait pas trop cet outil, ou alors on n’a pas été assez formés dessus, du coup on l’a pas utilisé.

  3. Alors pour pallier à ça on a pris un 2ème outil, en espérant qu’il nous aide, mais on n’a pas eu le temps de l’utiliser…


L’outil de recrutement vient en réponse à une question que vous vous posez. Mais la question n’est jamais « comment je peux mieux recruter ? », elle est toujours plus précise que ça.

Les outils doivent répondre à ce type de question :

« Comment je peux augmenter mes taux d’engagement ? »

« Comment je peux passer moins de temps sur mon sourcing ? »

« Comment je peux identifier des candidats qui me connaissent déjà ? »


Si vous mettez en place un outil pour répondre à une question plus générale ou fondamentale de votre pratique recrutement, il y a de grandes chances que la solution ne soit pas dans l’outil, mais ailleurs.


Et ensuite, travailler avec les collaborateurs et les managers opérationnels. Est-ce qu’ils sont tous au fait de ce que l’on recrute ? Est-ce qu’ils peuvent m’aider avec leur réseau…?



Le digital est un faux-ami.


Si on le considère comme une culture, il va s’intégrer à chacun de vos process et apporter énormément à votre recrutement.


En revanche si on le considère uniquement comme un outil, on ne va pas l’appréhender correctement, et il ne sera rien de plus que ce que vous vouliez qu’il soit, c’est à dire un outil.

Et mon dernier conseil : recrutez des gens qui sont à l’aise avec les pratiques du digital.


Maintenant si je dois finir sur une note rassurante, et puisque le thème de cette table ronde était « Le recrutement n’est pas impossible », sachez que les entreprises que je rencontre s’en sortent très bien, et qu’on arrive à trouver des solutions qui leur font davantage gagner de l’argent dans leur budget recrutement plutôt qu’en perdre.


Donc le sujet, ça n’est pas « à quel coût », mais bien « comment je m’y prends ». 

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