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Je fais de la discrimination à l’embauche !

J’utilise la discrimination lors de tous mes processus de recrutement. Tous, sans exception. Je dirais même que je n’imagine pas exercer le métier de recruteur sans discriminer ! Ce que je vous dis vous choque ? Alors peut-être devons-nous revoir ensemble le sens d’un mot qui a été détourné de son concept de base, au point d’entrer dans le langage courant et pour désigner tout autre chose.

Baissez les armes, je vais vous rassurer de suite : en ce qui concerne l’égalité des chances, je suis irréprochable. Et pourtant je le répète, la discrimination est essentielle à la sélection professionnelle.

Qu’entend-on par « discrimination » ?

Wikipedia : La discrimination est l’action de distinguer entre des choses ou entre des personnes.

Parlons un peu de psychométrie (ce n’est pas un gros mot non plus).

La psychométrie, c’est la mesure de l’homme au sens général du terme, scientifiquement parlant. Dans le recrutement, c’est censé être la trame générale qui régit la manière dont l’on va aborder un processus de sélection professionnelle. Dans les faits, peu de recruteurs s’appuient réellement dessus de manière rigoureuse, même si l’on tend à s’en rapprocher.

Essayons d’aborder ce concept dans les grandes lignes : lorsque vous recrutez, l’idée est de sélectionner le ou les meilleurs candidats par rapport à des critères définis en amont (compétences, traits de personnalité, capacités, connaissances…). Pour être plus précis, il y a même deux cas de figure :

  1. Soit vous sélectionnez le candidat qui aura été évalué comme le meilleur par rapport aux autres sur un ensemble de critères,

  2. Soit vous sélectionnez le candidat qui remplira les objectifs minimums (on parle de « seuils ») lors de son évaluation par rapport aux échelles de mesure relatives à ces critères.

Très souvent, nos attentes et notre méthodologie sont mixtes : on a des seuils minimums de compétences / connaissances (etc…) attendus, et au-délà de ces seuils on sélectionne le meilleur candidat.

Discriminer dans le recrutement, c’est ça : c’est différencier les gens sur une échelle de mesure pour une caractéristique donnée, dans le but de prendre les meilleurs. Chaque recruteur fait donc preuve de discrimination, et heureusement, car sinon l’on ne pourrait pas faire notre métier.

Quant à discriminer sur des critères autres que professionnels, c’est un autre problème. En revanche, la généralisation du terme fait que chaque candidat à qui je parle de discrimination se retrouve avec les cheveux hérissés sur la tête !

Abordons maintenant le point qui vous a fait cliquer sur cet article :

Sur quels critères la discrimination à l’embauche est-elle illégale ? Et bien, tous ceux indiqués dans le code du travail, mais pas que !

Quels sont les critères mis en avant par la loi ? Article L1132-1 (ça ne fait jamais de mal de le rappeler) : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement […] en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »

Une fois que l’on a énoncé cet article, avons-nous fait le tour de tous les critères ? Non !

Ce n’est pas parce qu’un critère de discrimination a l’air d’être d’ordre professionnel qu’il est légal ! Un candidat lors d’un processus de recrutement ne peut être évalué et jugé que sur les critères définis en amont qui correspondent à sa capacité à avoir une bonne tenue du poste.

Cette expression est un panier fourre-tout qui ne permet pas de faire face à une discrimination illégale bien plus présente que ce dont on parle régulièrement.

Qu’entend-on par là ? Je parle de tous les critères qui sont utilisés pour la sélection bien qu’ils n’aient pas d’impact sur la performance que pourrait fournir une personne s’il elle était recrutée sur un poste donné.

On pense par exemple, au recrutement de candidats venant strictement d’une liste d’écoles ou formations alors qu’en soit lesdites formations n’apportent rien de primordial pour un poste (attention, certaines formations apportent des savoirs et compétences requis, mais cela peut être très extrapolé).

On pense encore au recruteur qui recherche un candidat ayant une bonne poignée de main (une belle idée reçue bien française) et qui a trouvé celle de tel candidat moite et trop ferme ou trop molle… C’est marrant, mes poignées de main ne sont jamais les mêmes ! Je me demande si mes interlocuteurs m’ont déjà catégorisé comme « apte » ou « inapte » sur un détail aussi ridicule…

Dernier exemple, encore plus répandu : le fait de rechercher une compétence spécifique alors qu’elle n’apporte rien au poste sur lequel on recrute. Il y a le cas des recruteurs qui veulent à tout prix un candidat parlant Anglais alors que le poste est franco-français, que la communication interne est en Français, et que l’entreprise n’a aucun projet de travailler à l’export ! « Oui, mais on ne sait jamais… »

Ah, je suis d’accord, toutes les compétences sont bonnes à prendre dans une entreprise, et c’est très souvent la présence de la compétence qui va créer l’occasion. Il ne faut pour autant pas en faire un critère de discrimination en recrutement si cela n’a pas lieu d’être, car oui, c’est illégal.

Est-ce qu’un recruteur a quand même le droit de choisir avec qui il veut travailler ? Oui, heureusement !

Enfin, prenons un dernier cas de figure : à l’issue d’un processus de recrutement rigoureusement légal, méthodologique et respectueux de la déontologie professionnelle, il reste 2 candidats en « shortlist », identiques à tous égards par rapport à l’ensemble des critères de recrutement qui ont été définis.

Lequel choisiriez-vous, si vous étiez recruteur ? Et bien vous choisiriez celui avec lequel vous avez le plus envie de travailler, peu importe les critères, car untel vous est plus sympathique ou que vous vous voyez mieux cotoyer tel candidat au jour le jour. Et ça, c’est légal.

Je suis un fervent défenseur du respect de la loi dans le recrutement, mais après tout ce que vous venez de lire, vous voyez bien qu’il est parfois plus complexe qu’on ne le pense de différencier la discrimination légale de la discrimination illégale. Que vous soyez recruteur ou candidat, pensez-y…

Illustration d’Anne-Lise Combeaud a.k.a « Blonde » 

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